« L’esthétique elle aussi est une éthique. Ethos en grec ne veut pas dire seulement manière d’être mais séjour. L’art ménage à l’homme un séjour, c’est-à-dire un espace où nous avons lieu, un temps où nous sommes présents — et à partir desquels effectuant notre présence à tout, nous communiquons avec les choses, les êtres et nous-mêmes dans un monde, ce qui s’appelle habiter. »
Henry Maldiney, L’esthétique des rythmes

J’ai toujours vu Caroline Gaume photographier. Pour évoquer son travail, il me paraît nécéssaire de commencer par là. Elle a d’abord découvert la photographie avec les films argentiques, mais c’est l’apparition des technologies numériques et des appareils à développement instantanés qui lui ont, à mon sens, permis le mieux d’exprimer son rapport à ce médium.

Car il suffit de se promener avec elle pour le comprendre, l’ensemble des choses qui l’entourent devient motif. Et derrière son geste photographique il y a presque l’intention d’une collectionneuse. Elle réunit pour elle les couleurs, les formes, les objets, les lumières, mais aussi et directement lié au médium photographique, les formats : carrés, rectangles, ronds. Ses images sont glanées, comme des coquillages que l’on ne peut s’empêcher de ramasser sur une plage, poussé par un élan sensible et urgent de conservation. Le temps qui passe et qui va peut être bientôt détruire le sujet d’une émotion.

Le Polaroid, comme son téléphone portable lui permettent aussi d’intervenir sur ses images. Il y a donc deux temps, celui de la captation et celui d’une altération de l’image. Dans le cas d’une photographie numérique, il peut lui arriver de jouer avec la superpositions de plusieurs visuels. Avec le Polaroïd, c’est la chimie des différentes épreuves qui vont donner une couleur à ses images, quelques fois des tâches apparaissent.

Dans ses dernières recherches, Caroline Gaume s’est intéressée à l’encre sur papier. Ce choix est logique tant il lui permet, encore une fois, de se rapprocher d’une certaine forme d’instantanéité. Ici, la distance entre ses émotions et la feuille de papier, sorte de surface sensible, est encore écourtée.

La récente rencontre avec David K. Israel lui a permis de créer à partir de ses compositions musicales. Alors, ses gestes quasi-automatiques, font naitre des rythmes colorés, témoins de sa présence aux choses et de sa façon d’habiter ses mondes.


Nicolas Gaume, artiste peintre - Mai 2023



© Caroline Gaume 2023
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